La période des concours et mon premier poste à PARIS

Juin 1970, je sortais donc de l’ EFG ma promotion d’agent de maîtrise en poche, mais surtout pleinement ressourcé sur le plan intellectuel et rempli d’enthousiasme pour entamer la suite de ma carrière dans la « grande maison » !

De retour dans le deuxième Arrondissement Exploitation de LILLE, je me suis retrouvé affecté à la gare de TOURCOING les Francs. Située sur la petite ligne à voie unique raccordée à la gare de TOURCOING Voyageurs et en direction de RONCQ et HALLUIN puis vers MENIN en Belgique (mais déjà à cette époque, il n’y avait plus de transit avec ce pays via cette ligne), la gare de TOURCOING les Francs desservait l’usine LESIEUR qui recevait plusieurs trains par semaine de céréales oléagineuses. Il n’y avait plus de trafic voyageurs sur la ligne et mon rôle consistait donc essentiellement à assurer la livraison de ces trains en toute sécurité. J’habitais toujours chez mes parents à STEENWERCK et je me rendais à mon travail en prenant le train à STEENWERCK ou à ARMENTIÈRES avec mon vélo, je descendais en gare de LA MADELEINE et là je reprenais mon vélo pour le trajet terminal. Il s’agissait pour moi d’une affectation temporaire,car le travail ne correspondait pas vraiment à ma nouvelle qualification, dans l’attente de recevoir une affectation plus adaptée.

Cela ne tarda pas ! Puisque dès le mois de septembre ou octobre 1970, je fus nommé au Poste de Commandement (PC) de LILLE pour tenir un poste de « régulateur ». Le rôle du « régulateur » consistait à organiser la circulation des trains sur un secteur donné pour qu’elle se réalise le plus possible en conformité avec leur tracé horaire théorique, en dépit de tous les aléas du « réel », les incidents de tous types (pannes de locomotives, de signalisation, passages à niveau restés fermés etc…), accidents, suicides, travaux sur les voies et caténaires, prévus ou pas etc…). En pratique, j’étais dans un box, assis devant un pupitre légèrement incliné, une « table », avec un graphique du secteur à « réguler » et sur lequel je devais tracer le parcours de tous les trains à partir des indications horaires que je recevais par un circuit téléphonique spécial, chaque fois que le train passait à un endroit donné (gare, poste d’aiguillage,bifurcation…). Et j’avais devant moi le même graphique mais avec tous les trains déjà tracés selon leur horaire de conception. Il fallait donc aussi que je mentionne sur mon graphique réel, les retards des trains et les causes de ces retards, toutes ces indications étant utilisées à des fins statistiques ou à des enquêtes. Au PC de LILLE,il y avait trois « tables » de régulation.

Quand je suis arrivé au PC, je devais recevoir une formation d’un mois pour mon poste de « régulateur », mais deux ou trois jours seulement après mon arrivée, le collègue que je devais remplacer a dû s’absenter subitement à cause du décès de sa femme et le dirigeant du PC m’a donc demandé de « tenir le poste » tout de suite, sans la préparation complète requise en assumant la responsabilité le mieux possible , en faisant appel à mes collègues en cas de besoin ! Pas facile et j’avoue que je n’étais pas très à l’aise ! J’ai eu la tête comme une citrouille pendant plusieurs jours, mais finalement ça ne s’est pas trop mal passé !

C’est à cette époque aussi que j’ai rencontré Marie Paule ! Tous mes collègues du PC étant beaucoup plus âgés que moi, inutile de dire qu’ils prenaient un malin plaisir à me taquiner très souvent et sans retenue sur ma vie sentimentale ! Mais l’ambiance de travail était sympathique et je garde de bons souvenirs de toute cette période de « régulateur » !

Je pensais également à la suite de ma carrière car je n’avais pas l’intention de la passer en totalité au PC ! Et si je voulais obtenir des promotions en mode accéléré, il fallait que je me remette dans les études pour passer les examens et concours de promotion interne qui existaient alors. Le premier examen devait me permettre d’être admis dans la catégorie des agents de maîtrise, c’était ce qu’il était convenu d’appeler « l’examen de barrage » ! Compte tenu de mes résultats à l’EFG, j’étais dispensé de l’écrit et j’ai donc passé l’oral uniquement. Je ne m’en souviens pas mais j’ai réussi « le barrage » ! Mon ambition étant de pouvoir accéder à la catégorie des agents « cadres », j’ai ensuite postulé mon admission au concours qui me permettait, en cas de réussite, de me présenter au concours d’inspecteur adjoint et ainsi d’obtenir un poste de « cadre ».

La première étape consistait donc à passer le concours de « Contrôleur technique d’inspection », « KTISN » en abrégé ! Il y avait deux options pour ce concours, l’option « Mouvement » et l’option « Trafic ». L’option « Mouvement » était orientée sur les fonctions de sécurité et de gestion des circulations, celle du « Trafic » sur les fonctions commerciales Voyageurs et Marchandises. J’ai pris les deux options. L’inscription à ce concours de « KTISN » était assortie d’une formation en école SNCF pour 3 ou 4 semaines, je ne sais plus très bien ? Cette école se trouvait à CHANTILLY (Oise) et impliquait donc l’internat. Étant jeune marié à cette époque, cette formation n’a pas été facile, ni pour moi, ni pour Marie Paule ! Mais ces efforts ont payé puisque j’ai réussi le concours sur les deux options ! Du coup, j’ai dû choisir l’option que je voulais conserver et j’ai pris celle du « Trafic ». En effet, si les métiers de la sécurité et de la circulation me plaisaient, je trouvais qu’ils étaient à 100% internes à l’entreprise et manquaient d’ouverture à l’extérieur et je pensais que la filière commerciale me conviendrait mieux,ce qui s’est avéré juste !

Me voilà donc « KTISN Trafic » et je dois donc quitter le PC où j’étais toujours affecté jusqu’alors. Paradoxalement, je suis muté à la gare de LILLE Voyageurs (LILLE Flandres aujourd’hui) pour tenir le poste de chef de circulation !! Une facétie dont l’Armée avait le secret ? Non, mais il n’y avait pas immédiatement un poste « commercial » disponible à ce moment là alors qu’au contraire, il fallait couvrir un poste de chef de circulation en gare de LILLE. Et comme les « KTISN » étaient considérés comme des agents « d’intérim », mon sort était écrit ! J’ai beaucoup aimé ce poste de grande responsabilité. Physiquement, si on peut dire, mon bureau était situé à l’étage supérieur du poste d’aiguillage de la gare, le poste 1, le PRS comme on l’appelait, et de là haut, j’avais une vue dominante sur toutes les voies ferrées et tous les quais de la gare ! Dans le poste 1, j’étais avec les aiguilleurs qui commandaient les aiguillages et les signaux de la gare pour l’arrivée et le départ des trains, pour les manoeuvres aussi . Ils avaient devant eux un Tableau de Contrôle Optique (TCO) sur lequel ils et moi pouvions suivre la présence et le cheminement de toutes ces circulations matérialisés par des petits voyants rouges qui s’allumaient et s’éteignaient au fur et à mesure de l’évolution de ces mouvements. Mon rôle consistait à contrôler tous ces mouvements et leur enchaînement de façon que les trains partent « à l’heure » et que tout se passe sans incident de sécurité.

Un épisode de cette période m’a fortement marqué et reste gravé dans mes souvenirs ! C’était un lundi matin et je devais assurer mon service de 6h00 à 14h00. Quand je suis arrivé à l’étage supérieur du PRS, tous les indicateurs du TCO étaient « au rouge » ! L’incident d’origine électrique ou électronique venait de se produire et les aiguilleurs m’attendaient pour me demander la conduite à tenir ! « qu’est-ce qu’on fait chef ? » et je comprenais que leur question cherchait aussi à éprouver mes compétences car j’étais beaucoup plus jeune qu’eux et je n’avais donc pas leur expérience, bien sûr ! Conscient de mes responsabilités et parfaitement éveillé, j’ai donc gardé mon sang froid et j’ai pu prendre toutes les bonnes décisions requises ! Mais cela changeait totalement le mode de gestion des circulations. En effet, il fallait « faire comme si » le PRS n’existait plus et passer à une commande manuelle des aiguilles et des signaux de l’itinéraire de chaque train ! En faisant vérifier sur le terrain que ces aiguilles étaient bien orientées, avant de donner l’autorisation de laisser partir ou arriver le train correspondant ! Inutile de dire que ces opérations prenaient du temps et que toutes les circulations accusaient un sérieux retard ! Tout était désorganisé !..Les services techniques sont rapidement intervenus, bien sûr, pour résoudre l’incident mais la réparation de la panne a pris pas mal de temps. Du coup, les opérations manuelles de secours pour réaliser les itinéraires des trains et la gestion de la situation perturbée m’ont pris toute la matinée ! Et à la fin de mon service,à 14h00, j’étais épuisé ! Mais j’avais assumé et j’étais content !

Je ne sais plus combien de temps je suis resté au PRS de LILLE ? Mais un poste « commercial » s’est libéré quelques mois plus tard et je suis donc arrivé à la « division commerciale Voyageurs et Marchandises » de LILLE, installée rue Charles St Venant, au 5ème étage de l’immeuble « Le Forum ». J’y étais affecté à la section des « études tarifaires » du trafic de marchandises. Mon travail consistait à examiner les propositions de contrats commerciaux que nous envoyaient les Agences Commerciales, de vérifier leur faisabilité par rapport aux directives de la Direction Commerciale à PARIS, de vérifier aussi leur intérêt pour la SNCF et une fois l’accord du chef de division obtenu, de mettre ces contrats en application. L’ ambiance de travail dans ce service était bonne. Dans le même bureau, il y avait la section Marchandises et la section Voyageurs. Le responsable de la section Marchandises s’appelait Albert BOEKTAELS et il était extrêmement gentil ! C’est lui qui m’a formé à ce travail particulier et sans aucun rapport avec tout ce que j’avais pu faire jusque là ! À ce poste, j’ai découvert l’économie et toute la diversité de nos activités industrielles, agricoles et commerciales. Nous étions en 1974 et cette année là, le trafic marchandises de la SNCF a atteint son apogée, avec 46% du volume total des marchandises transportées en France et 74 milliards de tonnes-kilomètres ! Et cela se traduisait concrètement dans notre travail avec de très nombreuses études tarifaires à réaliser, notamment pour les HBNPC (Houillères du Bassin du Nord et du Pas de Calais qui étaient encore en pleine exploitation) et pour la sidérurgie avec de nombreux et importants trafics entre Dunkerque et la Lorraine, Denain aussi car ce site était encore en activité (mais plus pour longtemps !) Très modestement, j’avais l’impression de participer à l’activité économique de la région dont je découvrais les multiples facettes et ses rouages complexes. C’était un travail intéressant,d’autant plus que l’ambiance du bureau était sympathique. Mon seul regret dans ce bureau, c’était que le décor était un peu sinistre ! Tout était gris,les murs en béton brut, les meubles, bureaux et armoires, étaient en tôle grise et même la moquette était grise ! Heureusement qu’il y avait une large ouverture vers l’extérieur entièrement vitrée, orientée à l’Est, et qui laissait donc entrer beaucoup de luminosité dans notre bureau !

C’est aussi à ce poste, et pendant cette période, que j’ai passé mes deux derniers concours internes pour accéder à la catégorie des agents « cadres ». (en janvier 1973)

Je suis resté affecté à ce poste jusqu’en décembre 1980