Début 1986, me voilà donc de retour à LILLE ! Je suis affecté à la DCM (Division Commerciale Marchandises) implantée au « FORUM », un énorme immeuble de construction récente et tout en béton et dont la SNCF occupe la quasi totalité des étages côté rue Charles St Venant. La DCM était au 5ème étage. Question déco, rien n’avait changé depuis 3 ans, c’était toujours aussi tristement « gris » !
On me confie la gestion d’une agence commerciale nouvellement créée et que je suis chargé de mettre en place ! Elle est désignée par le sigle « IME » qui signifie « Industries Métallurgiques et Electriques ». Les clients correspondants et situés sur le territoire de la région SNCF de LILLE (départements du Nord et du Pas de Calais) sont dans le Dunkerquois (Tréfileries de Bourbourg par exemple), le Valenciennois (aciérie LME à Trith St Léger par exemple) et dans la Sambre (Jeumont Schneider par exemple) et les marchands de ferrailles, mais j’avais également dans mon « portefeuille de clientèle » toute l’industrie automobile, très importante dans la région, constructeurs (Renault, Peugeot, Toyota, Française de Mécanique) et la plateforme logistique CAT (filiale de STVA) à Don-Sainghin ; je ne cite que les plus importants car je ne me souviens plus dans le détail ! J’avais avec moi un vendeur pour m’aider dans le démarchage et la commercialisation, il s’appelait Jean Marc DRUELLE. Avec lui, il m’a donc fallu commencer par me faire connaître des clients, donc de les démarcher, puis prospecter, c’est-à-dire détecter les trafics potentiels existants ou nouveaux à récupérer à la route, et proposer les mesures commerciales pour les conquérir. Un travail commercial assez classique mais prenant et qui me plaisait.
Sur le plan personnel, c’était beaucoup plus facile qu’à PARIS puisque je pouvais rentrer à la maison tous les soirs et avoir une vie de famille nettement améliorée.
Deux ans plus tard, en janvier 1988, je changeai à nouveau d’affectation pour prendre un poste dit « fonctionnel », toujours à la DCM de LILLE. On me confiait la responsabilité des prestations logistiques à mettre en place pour les clients et vendues par les vendeurs des agences commerciales. On désignait comme prestations logistiques, les conseils pour bien charger certaines marchandises particulières sur les wagons, les concessions temporaires de terrains ou de bâtiments SNCF, les « embranchements particuliers » soit des raccordements d’entreprises directement sur les voies SNCF, ou encore des prestations d’entreposage, du camionnage pour un enlèvement ou une livraison jusqu’à ou depuis la gare expéditrice ou destinataire, bref tout ce qui pouvait faciliter ou compléter le transport du fret par le rail ! Pour assurer ce travail, j’avais une petite équipe de 7 ou 8 collaborateurs.
C’est au cours de ce poste que j’ai été admis à faire un stage de découverte de quatre mois en Allemagne de l’Ouest (à l’époque, l’Allemagne n’était pas encore réunifiée), au sein de la DB (Deutsche Bundesbahn), au titre des échanges de cadres entre les deux sociétés ferroviaires, DB et SNCF. Je suis parti pour FRANCFORT le lundi 18 septembre 1989, jusqu’à la fin de l’année. Je me souviens avoir été très frappé, en arrivant dans cette très grande ville, par un sentiment de grand décalage avec LILLE !.. Une ville très dense, avec beaucoup de beaux immeubles, beaucoup de monde, beaucoup de belles voitures en quantité, des Porsche, des Mercèdès, des Ferrari, une immense gare avec plein de commerces à l’intérieur du grand hall, bref, je me sentais vraiment « dans un autre monde », avec en plus une langue étrangère, bien sûr, dans tout mon environnement, parlé, écrit et visuel !.. Une très grande ville dont le niveau de vie des résidents apparaissait d’emblée nettement supérieur à celui des gens de ma région du Nord !
La DB avait bien fait les choses ! Un logement m’avait été réservé dans l’un de ses immeubles, probablement destiné à son personnel, et dès le lendemain de mon arrivée, j’avais rendez-vous avec mon « parrain » de stage, Herr SCHOLZ. C’est lui que la DB avait désigné pour me guider, me conseiller et faciliter toutes mes démarches au sein de la DB pendant toute la durée de mon stage. C’était un jeune cadre de la direction générale de la DB dont le siège était à FRANCFORT. J’ai également reçu une carte de circulation en 1ère classe sur l’ensemble des lignes de la DB, ainsi qu’une allocation mensuelle de plusieurs centaines de marks afin de me permettre de régler le loyer de mon logement et tous mes frais personnels et de profiter un peu de la vie allemande !
Dès le lendemain matin, j’avais donc rendez-vous avec Herr SCHOLZ qui ne parlait pas un mot de français ! Je me débrouillais en allemand mais pas assez, à ce moment là, pour tenir une conversation ! J’ai compris qu’il me demandait quels étaient mes attentes pour ce stage et j’ai réussi à lui faire comprendre que je souhaitais découvrir un maximum de choses pour comprendre le fonctionnement de la DB dans la gestion du trafic de marchandises et rencontrer des responsables dans un maximum de lieux du réseau. Il m’a sans conteste bien compris car il m’a concocté un programme de stage répondant parfaitement à tous mes souhaits ! Au fil des semaines qui ont suivi, en effet, j’ai pu rencontrer de nombreux responsables de DB Cargo, certains hauts placés dans la hiérarchie au siège de la Direction Générale, et beaucoup d’autres « sur le terrain » comme on dit ! Ces contacts m’ont amené à me rendre à Mayence, Essen, Minden, Brême, Hambourg, Hanovre, Cologne, Coblence. Et aux déplacements purement professionnels, j’ai pu m’accorder une petite escapade à Munich et à Nüremberg. À Münich, à l’occasion de « l’Oktober Fest » où je me suis donc rendu et dont je garde de bons souvenirs !..Une immense foule, des milliers de gens joyeux qui boivent beaucoup de bière soit dans dans des verres en forme de botte de 1L au minimum, soit dans de grandes chopes, tout en mangeant, et ensuite quand l’ambiance est bien chaude, l’orchestre bavarois se met en branle et tout le monde se met à chanter avec des mouvements de tangage et de balancier sur toutes les tables, puis sur la piste. C’est très joyeux et populaire ! À Nuremberg, j’y suis allé une première fois « en éclaireur » si je puis dire, pour découvrir la ville réputée pour ses marchés de Noël et ses « kleine wurste » (petites saucisses), et avec l’arrière pensée d’y emmener Marie-Paule et les enfants durant les vacances de la Toussaint qui s’approchaient ! Ils sont effectivement venus et ce fut une petite aventure pour eux et un vrai bonheur pour moi de leur faire découvrir une petite partie de l’Allemagne de l’Ouest, à Francfort et à Nüremberg précisément. Je pense qu’ils en ont gardé un bon souvenir !
Un autre évènement « historique » cette fois a marqué mon séjour à Francfort : la chute du mur de BERLIN le 09 novembre 1989 ! J’ai vécu ce moment de l’Histoire en Allemagne ! En lisant les journaux, en écoutant la radio les jours précédents, on sentait que quelque chose d’extraordinaire allait se passer !
Le lendemain de ce jour « J », j’ai pris le train pour aller à Mayence ou à Cologne, je ne sais plus, mais ce que je sais, c’est que tout le monde dans le train parlait de « ça » ! J’ai lié conversation avec un monsieur et il m’a confié longuement son émotion d’Allemand de vivre cette page d’histoire de son pays et la signification exceptionnelle que cet évènement représentait pour tous les Allemands. Le soir, dans ma chambre, en écoutant la radio, toutes les stations allemandes étaient braquées sur BERLIN ! J’ai réalisé que je vivais un moment de vie unique ! J’ai eu envie de me rendre à BERLIN pour voir de mes yeux le « mur » tombé mais j’aurais dû m’absenter deux ou trois jours et, par honnêteté vis-à-vis de mon parrain de stage, Herr SCHOLZ, et des responsables de la DB qui m’accueillaient, je n’y suis pas allé et j’ai poursuivi mon stage.
Il s’est terminé en décembre, ce qui m’a permis de vivre aussi l’ambiance de Noël en Allemagne ! Les Allemands excellent vraiment dans la célébration de cette fête qui débute le 1er décembre. J’ai vu le très beau sapin de la ville de FRANCFORT, presque aussi grand que celui de STRASBOURG ! J’ai pu me rendre aussi à NÜREMBERG où le marché de Noël très typique mérite sa réputation de figurer parmi les plus beaux d’Allemagne ! J’y ai acheté quelques jolies boîtes métalliques de biscuits et une magnifique boule de Noël en verre peint en souvenir de mon séjour pour décorer la maison !
Et en janvier 1990, je retrouvais donc mon poste à la DCM de LILLE, la tête remplie de souvenirs mais aussi riche d’une expérience professionnelle et humaine exceptionnelle !
Voici quelques réflexions à ce propos sur mon ressenti à cette période là. Mes remarques ne seraient peut-être plus les mêmes en 2025 !
- Dès mon arrivée à FRANCFORT en septembre, et ça s’est confirmé ensuite dans mes différents déplacements, j’ai tout de suite ressenti une nette différence de niveau de vie et de richesse entre l’Allemagne de l’Ouest et notre pays
- Ensuite, la géographie de l’Allemagne de l’Ouest était caractérisée par l’implantation de nombreuses grandes agglomérations d’au moins 500 000 habitants et peu éloignées l’une de l’autre. Cette caractéristique n’a pas changé dans la partie Ouest de l’Allemagne réunifiée aujourd’hui ; cela explique que les dessertes ferroviaires de ces grandes agglomérations peuvent être conçues comme des dessertes de métro !
- Dans mon périple à travers l’Allemagne de l’Ouest et à l’intérieur de la DB, je n’ai pas trouvé que les Allemands travaillaient plus que les Français (je ne tiens pas compte, bien sûr, des jours fériés ou de congés qui doivent être plus nombreux en France !).
- J’ai ressenti aussi pas mal de lourdeur administrative au sein des services de direction de la DB et du coup, je me suis dit que la SNCF n’avait pas à rougir de son mode de fonctionnement !
- Enfin, j’ai bien perçu que lorsque l’on doit vivre à l’étranger pour son travail, et même si c’est dans un pays de l’UE, au bout d’un moment, on ressent fort l’envie de retrouver son pays ! En tout cas, ce fut mon cas et pourtant j’ai toujours été favorable à la mobilité ! Mais peut-être n’étais-je pas assez aventurier ?
En 1990 donc, j’ai très vite repris mes repères dans mon poste à LILLE dans toutes ses activités et le temps a passé vite ! D’autant plus que rapidement j’ai été contacté par la direction du personnel de la Direction Commerciale Marchandises à PARIS pour me proposer le poste de chef de la DCM d’AMIENS ! Il faut dire qu’à un moment cette même Direction m’avait pressenti pour être son représentant en Allemagne, à FRANCFORT précisément ! Et comme la proposition était sérieuse, j’avais commencé à préparer ma famille à cette « expatriation » qui m’avait été annoncée pour une durée de trois ans ! Puis le destin en a décidé autrement et ce poste en Allemagne m’est « passé sous le nez » selon l’expression consacrée ! Du coup, pour rattraper ce « volte-face », la direction du personnel a voulu m’offrir une nouvelle opportunité d’évolution de ma carrière !
Ainsi donc, après une courte période – quelques mois seulement – de chef de l’Agence commerciale de LILLE Métropole, encore une nouvelle agence commerciale créée et que j’ai mise en place, j’ai rejoint AMIENS après les vacances de l’été 1991 pour diriger la Division Commerciale Fret. Je reviendrai sur les particularités de ce nouveau poste et mes responsabilités dans cette fonction, mais c’est là qu’au 1er janvier 1992, j’ai reçu ma promotion de Cadre Supérieur de la SNCF.